Paroles de jeunes Pro - saison 2

Paroles de jeunes Pro - saison 2

 Rosalie N'GANGA, volontaire en service civique à la Fédération départementale des MJC de Haute-Garonne sur la thématique de la démocratie participative et le débat - 20 ans - Master en Sciences politiques 

 

L’éducation populaire, levier essentiel de réduction des inégalités ?

 

            L'éducation populaire, par sa nature inclusive et participative, représente une clé essentielle permettant d’ouvrir des opportunités éducatives équitables à tous. Dans une société marquée par des disparités éducatives et sociales, il est crucial d'explorer comment elle peut devenir un levier de réduction des inégalités. Avant de plonger dans cette analyse, une définition de l'éducation populaire s'impose. Pour le sociologue Christian Maurel , l’éducation populaire désigne: «l'ensemble des pratiques éducatives et culturelles qui œuvrent à la transformation sociale et politique, travaillent à l'émancipation des individus et du peuple, et augmentent leur puissance démocratique d'agir»  Son objectif est d'autonomiser les individus, de renforcer leur capacité critique et d'encourager leur engagement civique , transcendant ainsi les barrières traditionnelles de l'éducation formelle.

            Selon l’historiographie, l’éducation populaire prend racine  au XVIIIe siècle, époque des Lumières, caractérisée par une résistance contre l’obscurantisme et l’influence de l’Église catholique en France. Pendant la Révolution française de 1792, Condorcet propose un rapport sur l’instruction publique, soulignant la nécessité d'une éducation pour tous, par le peuple et pour le peuple. L’objectif est de générer un autre Homme doté d’une liberté d’initiative, éclairé et affranchi des contraintes politico-juridiques de l’Ancien régime. Condorcet posait en réalité  les fondements de l’éducation populaire qui dépasse les barrières sociales, permettant aux individus d’accéder à la connaissance.  Cependant, jusqu’aux années 1830 , les élites inspirées par les idéaux de la période révolutionnaire vont chercher à combiner éducation du peuple et exigences de la division industrielle du travail. C’est-à-dire  que cette éducation avait pour objectif d’améliorer la production et favoriser le progrès technique sans pour autant former des individus affranchis de toutes contraintes. Ainsi, les premières initiatives d’éducation populaire étaient axées sur l’amélioration de la main-d’œuvre. Cependant, cette vision a évolué selon les courants et à travers les siècles.  Au XXe siècle, trois courants d’éducation populaire se distinguent.

  • Une tradition laïque, qui découle de Condorcet, elle prône une éducation accessible pour tous, qui forme les citoyens. cette vision met l’accent sur l’autonomie individuelle. Ex : La ligue de l’enseignement fondée en 1866
  • La tradition chrétienne humaniste, place la morale au centre de la vie sociale, l’action est orientée vers l’aide et l’assistance en vers les individus. Ex : le scoutisme
  • Enfin, une tradition émanant du monde ouvrier, qui naît au XIXe siècle avec le développement des mutuelles, des coopératives en réponse à l’interdiction d’association et de regroupement professionnels par la loi chapelier de 1791. ex : des écoles libertaires pour les prolétaires : la ruche, école fondée par Sébastien Faure.

Ainsi, on peut dire que l’éducation populaire est un mot polysémique, qui a évolué à travers le temps et selon les contextes politiques et sociaux. Ils reflètent ainsi les préoccupations et les idéaux de différents  groupes sociaux à différents moments de l’histoire.

                       Aujourd'hui, l’éducation populaire se caractérise souvent par des initiatives communautaires  et des mouvements citoyens visant à démocratiser l'accès à l'éducation et à la culture, indépendamment de l’origine sociale. Cela s'avère essentiel dans un système éducatif marqué par des disparités sociales et économiques . En effet, l'accès à l'éducation est souvent conditionné par le capital culturel et financier des individus, favorisant injustement les élèves issus de milieux aisés. De plus, les critères de sélection et de valorisation des connaissances perpétuent souvent les inégalités sociales au sein du système éducatif. Ainsi, au lieu de favoriser une véritable égalité des chances, le système éducatif tend à renforcer les structures sociales existantes, créant ainsi un cercle vicieux d'inégalités.

Si l’éducation populaire permet la réduction de ses égalités c’est parce que notamment elle échappe aux logiques inégalitaires traditionnelles mais en outre elle permet le développement de compétences transversales.

 

Une éducation populaire à contre-courant des logiques inégalitaires traditionnelles.

             L'éducation populaire se distingue par son caractère inclusif et émancipateur car elle offre une alternative aux normes de l’éducation traditionnelle. En effet, en supprimant les barrières socio-économiques  présentes  dans le système éducatif traditionnel, l’éducation populaire élargit l’accessibilité à l’éducation.

  De plus, cette forme d’éducation personnalise l’apprentissage en s’adaptant à une diversité de contexte. Cette approche favorise la participation active des individus tout en stimulant leur confiance  et leur expression personnelle, contrairement à la passivité souvent associée à l’éducation traditionnelle. Enfin, l'éducation populaire crée un environnement inclusif où chacun peut s'épanouir sans être entravé par des barrières linguistiques ou culturelles. En combinant ces éléments, l'éducation populaire défie les logiques inégalitaires traditionnelles en offrant une alternative  enrichissante. 

Une éducation populaire qui permet le développement de compétences transversales.

            L'éducation populaire, constitue un terreau fertile pour le développement de compétences transversales essentielles. Tout d'abord, elle stimule la pensée critique en incitant  à remettre en question les idées reçues à travers des discussions ouvertes et des activités engageantes.

            Deuxièmement, l'éducation populaire renforce les compétences en communication et en collaboration. En travaillant ensemble sur des projets communs et en échangeant des idées au sein de la communauté, elle  crée un environnement propice à l’écoute, à l’échange d’opinions….

            Enfin, elle encourage l'engagement civique et la conscience sociale en sensibilisant sur les enjeux sociaux et en  encourageant à s'impliquer activement dans au sein de la société. Préparant ainsi les individu à jouer un rôle actif dans la construction d'un changement social. En combinant ces éléments, l'éducation populaire offre une plateforme puissante pour le développement de compétences transversales cruciales.

Ainsi, L'éducation populaire, en favorisant l'inclusion et le développement des compétences transversales, joue un rôle clé dans la transformation sociale. Toutefois, son intégration et son institutionnalisation progressive ont parfois altéré ses objectifs politiques initiaux.

 Transformation en structures socioculturelles : Une éducation populaire en perte de vision?

             Au fil du temps, de nombreuses structures d'éducation populaire ont évolué pour devenir des structures socioculturelles, offrant une gamme plus large de services et d'activités. Cette transformation est en partie le résultat de changements dans les politiques publiques et les priorités gouvernementales, notamment la politique de démocratisation culturelle initiée par André Malraux  dans les années 1960 en France.La démocratisation culturelle visait à rendre la culture accessible à tous et à promouvoir la participation citoyenne dans les domaines artistiques et culturels. Dans ce contexte, de nombreuses structures d'éducation populaire ont élargi leur champ d'action pour inclure des activités culturelles plus larges. Cette évolution a permis à ces structures de mieux répondre aux besoins et aux intérêts divers de la population, tout en contribuant à renforcer le tissu social et culturel des communautés. Ces politiques ont eu pour effet d’institutionnaliser les structures d’éducation populaire permettant l’allocation de droits et de moyens.

            Cependant, avec cette transformation, certaines structures d'éducation populaire ont pu perdre de vue leur vocation politique initiale, qui consistait à promouvoir l'émancipation individuelle et collective, ainsi que la lutte contre les inégalités sociales et économiques, conduisant ainsi à une dépolitisation des actions menées. Aujourd'hui, de nombreuses initiatives socioculturelles  tendent à se concentrer davantage sur le divertissement et la consommation culturelle, au détriment de leur potentiel de transformation sociale. Il est donc crucial de réaffirmer l'importance de l'éducation populaire comme un outil puissant de changement social et de mobilisation citoyenne, en veillant à ce qu'elle reste fidèle à ses valeurs fondamentales de démocratie, d'égalité et d'autonomie.

Éducation populaire et puissance d'agir. Les processus culturels de l'émancipation, Paris, Éditions L'harmattan, 2010

Civisme :Dévouement envers la collectivité, l'État, et à la participation régulière à ses activités.

L’éducation populaire sous la Restauration et la monarchie de Juillet.Carole Christen

regroupement de personnes autour d'une thématique commune.

Les Héritiers: Les étudiants et la culture" (1964). Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron

GODIN Christian, « « La culture pour chacun » : une nouvelle politique culturelle ? », Cités, 2011/1 (n° 45), p. 164-168. DOI : 10.3917/cite.045.0164. URL : https://www.cairn.info/revue-cites-2011-1-page-164.htm